En cette fin de mois de février, voici une Chronilettre autour du célèbre scientifique dont l'anniversaire est le mois prochain ! La missive est disponible en fichier à télécharger en fin de page. Bonne lecture !
14 mars 1879,
135, Bahnhofstrasse, Ulm.
Cher Jacob, cher beau-frère,
C’est épuisée mais heureuse que je vous annonce la naissance de notre petit garçon. Vous devez imaginer la joie sur le visage de votre frère qui attendait le jour où il serrerait enfin un fils dans ses bras. Le voilà exaucé. Cette merveilleuse nouvelle met du baume à notre cœur. Cet enfant est beau ! Si beau à mes yeux ! Il faut que vous veniez le voir !
Son crâne me parut fort anguleux dès que je le vis et j’avoue m’en être inquiétée. Par bonheur, le médecin m’assura qu’il n’y avait rien à craindre, qu’une telle particularité ne modifiera ni le cours de l’existence de notre petit ni celui des planètes. Je fus apaisée au son de son premier cri. Nous allons savourer ses premiers instants de vie même si la dure réalité nous rattrape déjà.
Dire qu’Hermann et moi étions venus nous installer dans cette contrée de l’Allemagne du Sud-Ouest, si proche de l’Alsace et de la Suisse, à la recherche du calme d’une petite bourgade protégée d’une forteresse… Comment aurions-nous pu envisager qu’il serait si difficile d’y assurer notre quotidien ?
Nous ne sommes pourtant pas exigeants. Une existence tranquille au cœur de la nature, où personne n’aurait d’hostilité face à notre religion, suffirait. Ne rien renier de soi tout en se fondant dans la nation allemande, voilà où était notre unique défi, enfin c’est ce que nous pensions.
Hermann, dont les yeux ont toujours davantage brillé sous les lumières prometteuses des siècles à venir que sous la lueur de la bougie du Sabbat, se réjouissait de monter sa petite entreprise. D’ailleurs, votre association à ce sujet le ravissait. Prendre part à l’ère de la révolution technologique et de la fée électricité devait assurer sa réussite.
Hélas, le travail manque cruellement. Notre région est en fin de compte trop tranquille et se méfie de la technique. Les dynamos n’intéressent guère ce glorieux pays de la pipe. L’atelier est toujours là, contenant tout et n’importe quoi, vendant si peu qu’il engrange irrémédiablement des dettes.
Alors, nous avons ressorti la carte à la recherche d’un lieu plus accueillant afin qu’Hermann puisse en doter chaque rue de rutilants réverbères. Stuttgart a failli retenir notre attention mais votre frère en gardait le terne souvenir de ses études inachevées lorsque la bourse de vos parents faillit à payer son cursus. Nous avons changé d’orientation et à l’est, une grande cité nous tend les bras, Munich ! C’est donc là-bas que nous nous préparons à déposer nos valises, une fois de plus.
Bien sûr, nous patienterons quelques jours afin que je récupère avant le voyage et que notre nourrisson ait déjà quelques forces.
J’attends de vos nouvelles avec impatience. Venez rencontrer votre neveu avant que nous quittions Ulm.
Avec toutes ces émotions, j’en oublie presque de vous dire le plus important, nous l’avons prénommé Albert. Qu’en dites-vous ?
À bientôt,
Votre belle-sœur
Pauline Einstein.
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