Le Baiser de Constantin Brancusi est une œuvre emblématique du début du XXe siècle, représentant l'amour à travers une simplification formelle et une abstraction poétique. Sculpté à partir de 1906, ce travail compte quarante sculptures qui mettent en scène deux figures humaines unies dans une étreinte intime, leurs contours se fondant l'un dans l'autre. La simplicité des formes et l'absence de détails superflus révèlent l'essence de la relation humaine, suggérant une union spirituelle plutôt que physique.
Cette œuvre illustre parfaitement le désir de Brancusi de transcender le réalisme pour atteindre une vérité universelle, faisant de sa série une pièce maîtresse du modernisme sculptural. Découvrons une lettre du sculpteur roumain qui nous parle de lui et de sa création.
Cette Chronilettre fictive repose sur des faits réels. Elle offre une lecture courte, mais riche afin de compléter sa culture générale, d'orner un cahier, de voir les choses sous un autre angle. Elle est téléchargeable en fin de page. Bonne lecture !
1908,
Paris.
Bonjour,
Ah ! Quelle journée ! J’ignore quelle mouche m’a piqué mais je crois que ma pratique en sera à jamais bouleversée. Une œuvre vient de naître sous mes yeux, sous mes doigts, sans que je puisse véritablement expliquer ma démarche. Mais je suis ravi ! Si, si. Il était temps que je me dégage de l’influence de Rodin.
Je n’ai rien contre le fameux Auguste. Ces dernières années à marcher dans ses pas ont été bénéfiques. Depuis mon arrivée en France en 1904 et ma rencontre avec lui au Salon d’Automne de 1906, où il était jury, je rêvais de trouver la reconnaissance qui justifierait mon apprentissage en Roumanie.
Tout de suite, Rodin me proposa une place dans son atelier. Oui, je te l’accorde, au milieu de ses cinquante assistants, un de plus ne changeait pas grand-chose pour lui. Mais tout pour moi !
J’ai alors compris que je voulais attaquer la matière, là où Auguste la modelait. Il créait en terre et en plâtre avant de laisser ses assistants travailler le marbre et le bronze. Moi, j’aspirais à écouter la texture du matériau. Lui, créateur. Moi, révélateur.
Et enfin, je dévoile ma propre expression où la matière donne sa force à la réalité. La sculpture ne se limite pas à une apparence. Je souhaite mettre à jour l’essence cosmique de la pierre en la travaillant à la taille directe, sans ébauche préalable qui efface la vocation du médium utilisé.
Car j’agirai désormais de la même façon pour la pierre et pour le bois même si la résistance de la première me semble le moyen parfait pour la laisser s’exprimer, sa dureté ne permettant pas la perfection des détails. Voilà le meilleur procédé visant la simplicité des formes.
Le résultat obtenu aujourd’hui sera le commencement d’un thème que j’appellerai Le Baiser. Ce bloc de pierre à peine dégrossi héberge deux bustes vus de profil et accolés l’un à l’autre. Seules les chevelures différentes permettent de percevoir deux êtres distincts.
La jonction parfaite des bouches et des yeux ainsi que l’enlacement des bras transforment ces corps en un unique personnage lorsque je le regarde de face. Un peu comme la matière et moi. Deux composés qui, dans l’œuvre réalisée, ne font plus qu’un.
Comme je suis satisfait !
Je retourne à mon atelier…
Constantin Brancusi.
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